L’empereur Napoléon III décida d’organiser une exposition universelle à Paris en 1855. Chaque département se dota alors d’un comité afin de recenser les produits agricoles, artisanaux et industriels méritant d’y être présentés. La Chambre de commerce de Bordeaux demanda au Syndic des courtiers de commerce près la bourse de Bordeaux d'établir un classement des meilleurs vins rouges et blancs produits en Gironde.

Les courtiers, estimant que les meilleurs vins étaient forcément les plus chers, consultèrent alors leurs archives sur une cinquantaine d’années (vingt ans pour les crus plus récents).

Les vins sélectionnés, une soixantaine, furent ensuite répartis dans cinq classes :
- les premiers crus ayant été achetés au prix moyen de 3000 francs.
- les seconds crus ayant été achetés au prix moyen compris entre 2500 et 2700 francs.
- les troisièmes crus ayant été achetés au prix moyen compris entre 2100 et 2400 francs.
- les quatrièmes crus ayant été achetés au prix moyen compris entre 1800 et 2100 francs.
- les cinquièmes crus ayant été achetés au prix moyen compris entre 1400 et 1600 francs.

Seuls des vins du Médoc, du Sauternais et des Graves furent répertoriés car les crus produits ailleurs en Gironde (notamment à Pomerol et à Saint-Émilion) s’échangeaient à des prix bien inférieurs à cette époque. Les terres étaient surtout dévolues aux céréales à Pomerol et Saint-Emilion était principalement composé de métairies alors que le Médoc et le Sauternais comptaient déjà de vastes domaines viticoles.

Jacques Chirac, ministre de l’agriculture, modifia le classement en 1973 ; le Château Mouton-Rothschild passa, par décret, de second à premier cru après que le baron Philippe de Rothschild a mené une intense campagne auprès des pouvoirs publics estimant que son vin méritait de figurer dans la classe supérieure.

Le classement est devenu au fil du temps une référence malgré que le fait que certains domaines viticoles aient subi d’importantes modifications (division des terres entre héritiers, reconfiguration importante du vignoble, ), aient disparu ou été ressuscités


Classement établi en 1855
- Vins rouges -
Premiers Crus Classés
Château Lafite Château Margaux
Château Latour Haut Brion


Seconds Crus Classés
Brane Gruau Laroze
Château Mouton Lascombe
Château Rauzan Gassies Léoville
Château Rauzan Ségla Montrose
Cos d'Estournel Pichon Longueville
Ducru Beaucaillou Vivens Durfort


Troisièmes Crus Classés
Becker Giscours
Boyd Kirwan
Calon La Lagune
Château d'Issan Lagrange
Desmirail Langoa
Dubignon Palmer
Ferrière Saint-Exupéry


Quatrièmes Crus Classés
Carnet Marquis de Thermes
Château Beychevelle Poujet
Duhart Rochet
Duluc Saint Pierre
Le Prieuré Talbot


Cinquièmes Crus Classés
Artigues Arnaud D'Armailhac
Batailley Dauzac
Camensac Grand Puy
Canet Haut-Bages
Cantemerle Le Tertre
Clerc Milon Lynch
Cos Labory Lynch Moussas
Coutanceau Pédesclaux
Croizet Bages


- Vins blancs -
Premier Cru supérieur
Château d'Yquem


Premiers Crus
Bayle Rabaud
Climens Rieussec
Coutet Suduiraut
Latour Blanche Vigneau
Peyraguey


Seconds Crus
Broustet Nairac Lamothe
Caillou Malle
D'Arche Myrat
Doisy Romer
Filhot Suau
Lacoste


Classement actualisé
- Vins rouges -
Premiers Crus Classés
Château Haut-Brion Château Margaux
Château Lafite Rothschild Château Mouton Rothschild
Château Latour


Seconds Crus Classés
Château Brane-Cantenac Château Montrose
Château Ducru-Beaucaillou Château Pichon Longueville Baron
Château Durfort-Vivens Château Pichon Longueville Comtesse
Château Gruaud Larose Château Rauzan-Gassies
Château Lascombes Château Rauzan-Ségla
Château Léoville Barton Cos d'Estournel
Château Léoville Poyferré Léoville du Marquis de Las Cases


Troisièmes Crus Classés
Château Boyd-Cantenac Château Kirwan
Château Calon-Ségur Château La Lagune
Château Cantenac Brown Château Lagrange
Château Desmirail Château Langoa Barton
Château d'Issan Château Malescot Saint Exupéry
Château Ferrière Château Marquis d'Alesme
Château Giscours Château Palmer


Quatrièmes Crus Classés
Château Beychevelle Château Marquis de Terme
Château Branaire Ducru Château Pouget
Château Duhart-Milon Château Prieuré-Lichine
Château La Tour Carnet Château Saint-Pierre
Château Lafon-Rochet Château Talbot


Cinquièmes Crus Classés
Château Batailley Château du Tertre
Château Belgrave Château Grand-Puy Ducasse
Château Camensac Château Grand-Puy-Lacoste
Château Cantemerle Château Haut-Bages Libéral
Château Clerc Milon Château Haut-Batailley
Château Cos Labory Château Lynch-Bages
Château Croizet Bages Château Lynch-Moussas
Château d'Armailhac Château Pedesclaux
Château Dauzac Château Pontet-Canet


- Vins blancs -
Premier Cru supérieur
Château d'Yquem


Premiers Crus
Château Climens Château Lafaurie-Peyraguey
Château Clos Haut-Peyraguey Château Rabaud-Promis
Château Coutet Château Rayne Vigneau
Château Guiraud Château Rieussec
Château La Tour Blanche Château Sigalas Rabaud
Château Suduiraut


Seconds Crus
Château Broustet Château Doisy Védrines
Château Caillou Château Filhot
Château d'Arche Château Lamothe
Château de Malle Château Lamothe Guignard
Château de Myrat Château Nairac
Château Doisy Daëne Château Romer
Château Doisy Dubroca Château Romer du Hayot
Château Suau


Disparitions

Château Dubignon

Les frères Philippe et Jean Martial Dubignon dirigent le domaine familial lorsque leur vin est classé dans la catégorie des troisièmes crus en 1855. Henri Fourcade rachète la moitié de la propriété dix ans plus tard (il l’intègre alors au Château Malescot-Saint-Exupéry). Monsieur Veron-Reville acquiert par la suite l’autre partie. Bernard Château, après en avoir pris à son tour possession en 1971, la baptise Château Larruau.

Château Lacoste (connu aussi sous le nom de Peixotto)

Le vin produit au sein de la propriété, dirigée par madame Lacoste, est classé dans la catégorie des seconds crus en 1855. Alfred Ribet prend par la suite la direction du domaine. Henri Drouilhet de Sigalas, propriétaire du Château Rabaud, le lui rachète en 1872. Il l’incorpore alors à son vignoble pour produire davantage de vin.


Divisions

Château Batailley

Edmond Halphen vendit en 1929 le Château Batailley à Marcel et Francis Borie, propriétaires du Château La Tour d'Aspic, auxquels la gestion des vignes avaient été confiées quelques années auparavant. Ils acquirent également en 1934 le Château La Couronne. Francis Borie reprit à son compte en 1942 quelques vignes du domaine mais aussi le Château La Tour d'Aspic ainsi que le Château La Couronne qu’il unifia pour former un nouveau domaine viticole baptisé Château Haut-Batailley.

Château Boyd

Le Château Boyd était divisé depuis quelques années lorsque le vin fut classé dans la catégorie des troisièmes crus.

Bernard Sainvincens céda quelques terres situées dans la paroisse de Cantenac à l’écuyer Jacques Boyd en 1754. John Lewis Brown of Colstoun, marié à sa petite-fille Elisabeth Skinner, les acquit lorsqu’elles furent revendues sur licitation en 1806. Jean Verrière prit possession de huit hectares de la propriété lorsqu’elle fut cédée en 1843 à la barre du tribunal après sa mise en faillite personnelle.

Château Broustet-Nairac

Le négociant Bernard Capdeville, à la tête du Château Broustet, acquiert le Château Nairac en 1837. Il les regroupe alors au sein d'un unique domaine viticole. Suzanne reprend le premier tandis que Georgina s'approprie le second après le décès de leur père en 1861.

Château Doisy

Paul de Raymond, seigneur du fief de La Pinesse, octroie le lieu-dit Doisy à Jean-Baptiste de Védrines lorsqu’il épouse sa fille Marie en 1704. Leurs descendants administrent tour à tour la propriété au cours des décennies suivantes. Monsieur Dubosq prend possession de la maison et de la plupart des terres lorsque le domaine est revendu en trois lots au début du dix-neuvième siècle (les deux autres sont repris par les familles Faux et Daëne). Le vin produit par monsieur Daëne est classé parmi les seconds crus en 1855 mais les deux autres vins se prévalent également du titre étant de la même propriété originelle (Le château Doisy-Dubroca, un temps dirigé par la famille Faux fut absorbé par le Château Doisy-Daëne en 2014).

Château Lamothe

Madame Baptiste dirige le domaine lorsque le vin est classé dans la catégorie des seconds crus. Son gendre, monsieur Massieux, adminstre une partie de la propriété familiale durant les années 1860 tandis que monsieur Dietz prend, de son coté, possession du reste des terres (ces dernières seront par la suite baptisées Château Lamothe-Guignard).

Château Léoville

Le château Léoville, classé dans la catégorie des seconds crus, était depuis quelques années divisé en trois propriétés indépendantes quand le classement fut établi.

Les pouvoirs publics avaient confisqué la part de Pierre-Jean de Las Cases, représentant un quart du domaine, lorsqu’il fuit au Royaume-Uni en 1794. Ils la cédèrent en deux lots au frères Chevalier et au médecin Jean-Baptiste Monbalon huit ans plus tard (le négociant Hugh Barton les acquit par la suite). De retour d’exil, Pierre-Jean de Las Cases redevint copropriétaire du domaine familial lorsque son oncle Bernard lui légua sa part en 1805 (elle représentait les deux tiers des terres restantes). Son fils Adolphe en hérita quand il décéda à son tour dix ans plus tard. Jeanne de Las Cases (la sœur de Pierre-Jean) légua, de son coté, l’autre tiers à ses deux filles Rose Raymonde et Jeanne Marie en 1830. Le domaine familial fut transformé en deux propriétés indépendantes après la répartition des bâtiments d’exploitation entre les deux branches en 1840.

Château Lafaurie-Peyraguey

Marguerite Duchâtel hérite du Château Lafaurie-Peyraguey, au vin classé parmi les premiers crus en 1855, lorsque sa mère Églé Rosalie Paulée décède en 1878. Elle revend l'année suivante les terres les plus élevées couvrant huit hectares (baptisées alors Clos Haut-Peyraguey) au pharmacien parisien Ernest Grillon. Celui-ci construit alors un chai lui permettant de vinifier ses raisins et de conserver son vin.

Château Pichon-Longueville

Joseph de Pichon transmit la propriété familiale à ses quatre enfants encore vivants Sophie, Virginie, Joséphine et Raoul en 1849 (chacun d’entre eux hérita de quatorze hectares sauf Raoul auquel fut octroyé, en plus, la part de son frère Louis décédé en 1835). Ce dernier dirigea le domaine, resté unifié d’un commun accord, au cours des années suivantes. Ses sœurs Virginie (celle-ci avait récupéré quelque temps plus tôt la part de sa sœur Sophie) et Joséphine exploitèrent conjointement leurs terres respectives après sa disparition en 1864. Le fils adoptif de leur frère (également prénommé Raoul) dirigea, de son coté, les terres dont il avait hérité.

Château Rabaud

Henri Drouilhet de Sigalas acquiert le domaine en 1864. Son fils Gaston, ne souhaitant pas cultiver les vignes, s'associe avec Adrien Promis lorsqu'il en hérite trente ans plus tard. Ces derniers le divisent en deux propriétés distinctes quand ils se séparent en 1903.

Château Romer

Anne Jacques Auguste de la Myre-Mory dirige le domaine familial lorsque le vin est classé dans la catégorie des seconds crus en 1855. Son fils Ferdinand et sa fille Eugénie le divisent après son décès en 1883.


Résurrections

Château de Myrat

Pierre Martineau acquit la propriété en 1898. Sa femme lui succéda lorsqu’il disparut quelque temps après. La production atteignit quarante tonneaux, sous sa direction, au début des années 1920. Elle négligea peu à peu les vignes et cessa d’entretenir la demeure au cours de la décennie suivante en raison de la crise économique engendrée par la krach boursier de 1929. Maximilien de Pontac lui racheta le domaine, en très mauvais état, en 1937. Il réhabilita le vignoble et restaura le château à partir de 1945. Le désintérêt des consommateurs pour les vins liquoreux l’obligea à arracher toutes les vignes en 1976. Ses fils Jacques et Xavier découvrirent que les droits de replantation allaient expirer sous peu lorsqu’ils héritèrent de la propriété en 1988. Les deux frères replantèrent alors cent cinquante mille pieds de vignes sur vingt-deux hectares.

Château Desmirail

Edouard Michel acquit le domaine en 1922. Son fils Martial, après en avoir à son tour pris possession, vendit en 1938 la plupart des vignes au Château Palmer qui les intégra au sein de son propre vignoble (la demeure et les autres terres furent concomitamment cédées à Edmund Ritz). Lucien Lurton, propriétaire de plusieurs domaines viticoles dans le Bordelais, lui en racheta quelques-unes ainsi que la marque Château Desmiraill en 1980 pour donner une identité au vin qu’il élabore dans sa nouvelle propriété (il avait acquis quelque temps plus tôt des vignes à Arsac et des chais dans le village de Cantenac).


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